Pour ce faire, la marque telle qu’utilisée doit constituer une variante acceptable de la marque telle qu’enregistrée. Autrement dit, la forme sous laquelle la marque est utilisée doit pouvoir être considérée comme globalement équivalente à la forme sous laquelle la marque a été enregistrée.
Si les décisions rendues en la matière sont très nombreuses et parfois difficilement conciliables, il semble possible de conclure que les marques dites « complexes » et les marques jugées « extrêmement simples » font l’objet d’un traitement différent.
En effet, en cas d’usage d’une marque sous une forme modifiée, la probabilité que le caractère distinctif de la marque concernée soit altéré, semble proportionnelle à son degré de simplicité.
Deux décisions, récente pour l’une, relativement récente pour l’autre, l’illustrent parfaitement.
Le 26 octobre 2022, le Tribunal de l’Union Européenne (affaire T-273/21, The Bazooka Companies c/ EUIPO) a annulé une décision rendue par la deuxième chambre de recours de l’EUIPO (RG n° R 1326/2020-2) ayant fait droit à la demande en déchéance d’une marque de l’Union Européenne tridimensionnelle en raison de l’absence de preuve d’usage de la marque telle qu’enregistrée.
Il s’agissait d’une marque tridimensionnelle constituée par la forme d’un biberon avec tétine, un couvercle correspondant à la forme de ladite tétine et une surface striée sous cette dernière, enregistrée en classe 30 pour des confiseries, des sucreries, des bonbons ou encore de la poudre acidulée :
Le Tribunal retient que l’usage de la marque contestée a été fait dans une variante acceptable, la forme sous laquelle la marque est utilisée étant perçue comme identique à la forme de la marque telle qu’enregistrée.
Plus précisément, le Tribunal retient que les éléments verbaux et figuratifs colorés apposés sur la marque telle qu’exploitée, tels que les termes « big baby pop ! », dont la lettre « i » stylisée représente un biberon, ainsi qu’un personnage de bébé et un élément figuratif précisant le goût du produit, même s’ils peuvent faciliter la détermination de l’origine commerciale visée, n’altèrent pas le caractère distinctif de la marque telle qu’enregistrée et ne remettent pas en cause le fait que leur ajout peut être considéré comme ayant donné lieu à un usage, dans une variante acceptable, de celle-ci.
En revanche, s’agissant d’une marque « extrêmement simple », même de légères modifications sont susceptibles d’en altérer le caractère distinctif.
C’est bien le raisonnement qui a été appliqué par le Tribunal de l’Union européenne le 19 juin 2019 (T-aff. 307/17, Adidas c/ EUIPO) concernant la marque figurative d’Adidas, déposée en classe 25 pour des vêtements et chaussures, composée de trois bandes noires parallèles équidistantes de largeur égale, sur fond blanc, destinées à être appliquées sur le produit dans n’importe quelle direction, telle que reproduite ci-dessous :
Pour confirmer l’annulation de la marque pour absence de caractère distinctif, le Tribunal retient que, l’inversion du schéma des couleurs et la modification de l’épaisseur et de la longueur des bandes ainsi que la façon dont elles étaient coupées, ne pouvaient pas être qualifiées de variations négligeables de la marque telle qu’enregistrée.
Pour qualifier ces variations de non-négligeables, le Tribunal applique le raisonnement suivant : plus une marque est simple, moins elle est susceptible d’avoir un caractère distinctif et plus une modification, même légère, qui est apportée à cette marque est susceptible de constituer une variation non négligeable.
On retient donc que, plus une marque est simple, plus le degré de conformité exigé entre la forme de la marque telle qu’utilisée et la marque telle qu’enregistrée est élevé afin d’être considéré comme un usage de la marque sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif.