Classiquement, la cession judiciaire obéit à une triple finalité : le maintien d’activités susceptibles d’exploitation autonome, la préservation de l’emploi et l’apurement du passif. À l’aune de ces trois critères correctifs de la défaillance des entreprises, le droit positif du livre VI du Code de commerce interdit la reprise d’une société par son dirigeant. L’idée présumée par l’article L. 642-3 du Code de commerce est que le dirigeant serait toujours responsable de la défaillance de son entreprise et
qu’il ne pourrait donc plus acquérir, dans les cinq années suivant la cession, tout ou partie des biens de l’entreprise cédée. Cette prohibition n’a toutefois jamais été générale ou absolue. Le tribunal, sur requête du Ministère public, peut autoriser la cession au bénéfice du dirigeant par un jugement spécialement motivé et après avoir demandé l’avis des contrôleurs de la procédure.
C’est dans ce contexte législatif restreint que nous avons accompagné Monsieur Macheret, responsable recherche et développement puis directeur général de la
société Imprimeries de Champagne, spécialisée dans le secteur de l’imprimerie de labeur et mise en redressement judiciaire en novembre 2019, dans son offre
de reprise des actifs et de l’activité.
Le Procureur de la République a fait droit à la demande portée par Monsieur Macheret, car ce dernier ne pouvait pas se voir imputer les difficultés justifiant l’ouverture de la procédure collective. Par ailleurs, le dirigeant ayant une parfaite connaissance des Imprimeries de Champagne était idéalement placé pour mener à bien le projet de reprise et de sauvetage de la société.
De nombreuses affaires comme celle-ci ont démontré que les tribunaux de commerce, souverains, peuvent accepter la reprise à la barre d’une société par son dirigeant. La cession judiciaire opérée bénéficiant au dirigeant est devenue une véritable composante du droit au rebond du débiteur. Mais, il faut quand même garder à l’esprit qu’en vertu de l’article L. 631-19-1 du Code de commerce, lorsque le redressement de l’entreprise le requiert, le tribunal, sur demande du Ministère public, peut subordonner l’adoption d’un plan au remplacement d’un ou plusieurs dirigeants en place dans l’entreprise. Une équipe dirigeante, entièrement responsable des difficultés rencontrées par une entreprise aurait tout de même peu de chances de se retrouver aux commandes d’une société bénéficiant d’un plan de cession.
L’actuelle crise sanitaire a peut-être mis fin à la rigidité du dispositif compliquant la reprise d’une société en faillite par son dirigeant. L’ordonnance n” 2020-596 du
20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises aux conséquences de l’épidémie de Covid-19 prévoit en son article 7 que dans
l’optique d’une cession de l’entreprise en mesure d’assurer le maintien de l’emploi, le débiteur peut directement présenter une requête pour être le cessionnaire de son entreprise. Cette disposition est applicable aux procédures en cours jusqu’au 31 décembre 2020. Elle aura mécaniquement des effets au-delà de cette période
et encourage les dirigeants à déposer des offres de reprise de leur société en difficulté. Sous réserve d’un niveau de protection de l’emploi suffisant, nous sommes
aujourd’hui amenés à les accompagner dans l’élaboration de ces plans de cession.
Le plan de cession est une possibilité rendue ainsi de plus en plus envisageable pour les dirigeants qui savent la saisir au moment opportun.