Impact du Covid-19 sur les contrats de la commande publique
Dans le cadre de l’épidémie de Coronavirus, plusieurs questions de droit public se posent notamment en matière de commande publique.
La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, prévoit, en son article 11 I. 1 f), la possibilité de prendre par ordonnance(s) toutes les mesures visant à adapter « les règles de passation, de délais de paiement, d’exécution et de résiliation, notamment celles relatives aux pénalités contractuelles, prévues par le code de la commande publique ainsi que les stipulations des contrats publics ayant un tel objet ».
Ainsi, l’analyse effectuée à ce stade pourrait être amenée à évoluer à la lumière de l’ordonnance (ou des ordonnances) prise(s) par le Gouvernement en application de ces dispositions.
Les procédures de passation en cours
- Aucune information officielle : l’ordonnance (ou les ordonnances) à venir en matière de marchés publics fourniront vraisemblablement des réponses sur ce sujet notamment en termes de suspension ou d’allongement des délais de dépôt des candidatures/offres ou la facilitation des procédures de signature cryptée. C’est d’ailleurs la solution déjà retenue par certains acheteurs cependant elle implique certaines précautions pour lesquelles le cabinet Franklin est en mesure de vous assister.
- Possibilité d’abandonner la procédure de passation avec une déclaration sans suite : compte-tenu des difficultés susceptibles d’apparaitre dans l’envoi des candidatures ou des offres, il est possible qu’une insuffisance de concurrence surgisse.
Cette déclaration sans suite fait l’objet d’une obligation de motivation :
- cette motivation fera l’objet d’un contrôle du juge dont nous supposons – compte-tenu des circonstances particulières – qu’il sera souple dans l’appréciation des justifications.
- en l’absence de motivation, la décision de l’acheteur serait en elle-même irrégulière. Ce dernier doit donc être particulièrement vigilant sur ce point.
Le cabinet Franklin peut accompagner les acheteurs pour les aider à établir une motivation solide.
Le recours à une procédure d’urgence pour passer des contrats
Plusieurs possibilités s’offrent aux acheteurs :
- Contrat en gré à gré
Il est possible de recourir au contrat de gré à gré en cas d’urgence particulière c’est-à-dire face à un événement « résultant de circonstances extérieures et [que l’acheteur] ne pouvait pas prévoir ». Il faut au surplus que le marché soit « limité aux prestations strictement nécessaires pour faire face à la situation d’urgence »[1].
Ainsi, il est nécessaire – pour échapper valablement à l’obligation de publicité et de mise en concurrence préalables – d’établir :
- le caractère imprévisible et extérieur de l’événement : sur ce point, la Direction des Affaires Juridiques (DAJ) de Bercy, dans son communiqué du 18 mars 2020 a considéré que ces caractéristiques étaient remplies s’agissant du Coronavirus. Compte-tenu de la jurisprudence, les juridictions devraient suivre ce raisonnement[2].
- le lien de causalité entre l’événement et l’urgence.
- l’urgence est incompatible avec les délais normalement exigés de mise en concurrence et publicité préalables.
- la réponse à des besoins nécessaires pour faire face à l’urgence : il est indispensable pour l’acheteur de motiver et justifier le recours au contrat de gré à gré.
L’acheteur doit donc être particulièrement attentif à la motivation de son recours à un contrat de gré à gré. Le cabinet Franklin est en mesure d’aider les acheteurs à rédiger une motivation préalable et suffisante pour encadrer le risque de recours contentieux sur ce point.
- Réduction des délais (article R. 2161-8 du code de la commande publique)
Le délai minimal de réception des offres peut alors être réduit à 10 jours compte-tenu de l’urgence.
- Prix provisoire (article R. 2112-17 du code de la commande publique)
Pour certains acheteurs (l’Etat, ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements), les marchés passés en cas d’urgence impérieuse peuvent l’être à prix provisoires. Il s’agit cependant des seules prestations complexes ou faisant appel à une technique nouvelle.
L’exécution des contrats en cours
- Reconnaissance d’un cas de force majeure ?
Selon l’article 1217 du code civil et par la jurisprudence administrative[3], il y a cas de force majeure si trois caractéristiques cumulatives sont remplies :
- imprévisibilité et extériorité : comme évoqué, cela ne devrait pas poser de question particulière.
- impossibilité de poursuivre les prestations prévues : cette impossibilité peut découler de l’incapacité technique, matérielle ou économique. Elle doit être établie et justifiée.
Il est nécessaire au préalable, de consulter les documents du marché pour déterminer s’il existe des dispositions encadrant la force majeure et ses conséquences.
Par principe, la reconnaissance d’un cas de force majeure emporte plusieurs conséquences notamment :
- exonération de responsabilité : cette exonération vaut aussi bien pour le titulaire que pour l’acheteur.
- résiliation du contratsans indemnisation du titulaire (article 2195-2 du code de la commande publique) : cependant, le Gouvernement appelle – dans la mesure du possible – à ne pas recourir à ces dispositions.
- Théorie de l’imprévision
Elle impose à l’acheteur d’aider financièrement le titulaire d’un marché dans l’exécution de celui-ci en cas de bouleversement de l’économie du contrat[4].
Pour que cette théorie s’applique, trois conditions cumulatives doivent être réunies :
- imprévisibilité et extériorité,
- bouleversement de l’économie du contrat et non une simple rupture de son équilibre financier (selon la jurisprudence, il faut donc une hausse des dépenses du titulaire plus de 10 %).
Le cabinet Franklin est en mesure de vous assister tout au long de l’état d’urgence sanitaire et dans la période qui suivra pour établir les conséquences de cette situation sur vos marchés publics.
[1] Articles L. 2122-1 et R. 2122-1 du code de la commande publique.
[2] Ont été considérés comme des événements imprévisibles et extérieurs, par exemple, les catastrophes aériennes ou naturelles (séisme : CJUE, 20 juin 2013, n° C-352/12, Consiglio Nazionale degli Ingegneri ; inondations : CAA Marseille, 12 mars 2007, n° 04MA00643, Commune de Bollene ; dépression tropicale CE, 26 juillet 1991, n° 117717, Préfet de la Réunion).
[3] V. par exemple : CE, 15 novembre 2017, n° 403367, société Swisslife Assurances.
[4] CE, 30 mars 1936, Compagnie général du gaz de Bordeaux.