Newsletter Droit public – Février 2023
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Commande publique : ce qui a changé au 1er janvier 2023
Le décret n° 2022-1689 du 28 décembre 2022 met en œuvre plusieurs mesures annoncées par le ministre de l’Economie Bruno Le Maire en septembre 2022 à l’issue des Assises du bâtiment et des travaux publics.
Tout d’abord, le décret proroge pour deux ans, soit jusqu’au 31 décembre 2024, la mesure temporaire adoptée par la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 de simplification et d’accélération de l’action publique qui dispense de publicité et de mise en concurrence les marchés de travaux dont le montant est inférieur à 100 000 €.
Le décret relève également de 20 à 30% les seuils planchers du montant des avances versées au titulaire pour les marchés conclus par l’Etat avec les petites et moyennes entreprises et clarifie leurs modalités de remboursement [1].
Par ailleurs, en vue de simplifier et de dématérialiser encore davantage les procédures de marchés publics, le décret du 22 novembre 2022 autorise les candidats à transmettre leur copie de sauvegarde par voie dématérialisée, via une plateforme cloud par exemple.
Enfin, s’agissant des marchés publics de maîtrise d’œuvre, la portée des règles relatives au seuil de tolérance est précisée : le maître d’œuvre ne peut dorénavant être pénalisé en cas de dépassement de ses engagements sur le coût prévisionnel des travaux ou de dépassement du coût résultant des marchés de travaux, uniquement si ce dépassement lui est imputable [2].
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Pas de mise en concurrence préalable pour l’attribution de baux portant sur le domaine privé des personnes publiques.
Conseil d’État du 2 décembre 2022, Société « Paris Tennis », n° 455033 (domaine public) et Conseil d’État du 2 décembre 2022, Commune de Biarritz, n° 460100 (domaine privé)
Dans deux décisions rendues le 2 décembre 2022, le Conseil d’État a précisé le champ d’application de la directive n° 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur s’agissant de l’attribution de titres d’occupation portant sur le domaine public et sur le domaine privé des personnes publiques.
Dans une première décision Société Paris Tennis (n° 455033), le Conseil d’Etat a rappelé que la délivrance d’autorisations d’occupation du domaine public accordées en vue d’exploiter une activité économique est soumise à une procédure de publicité et de mise en concurrence préalable adéquate [3]. Le Conseil d’Etat avait déjà rendu une décision en 2020 [4] qui portait déjà sur l’exploitation par la société Paris Tennis de terrains de tennis dans le jardin du Luxembourg et avait déjà souligné à cette occasion qu’une telle autorisation ne pouvait être octroyée qu’en nombre limité « eu égard à leur localisation, à la faible disponibilité des installations comparables à Paris, en particulier au centre de cette ville, ainsi qu’à leur notoriété ».
Dans une seconde décision Commune de Biarritz (n°460100) rendue le même jour, le Conseil d’État a adopté un raisonnement analogue s’agissant de la conclusion entre la commune de Biarritz et un opérateur privé d’un bail emphytéotique portant sur l’hôtel du Palais de Biarritz. Le Conseil d’Etat relève toutefois qu’il ne résulte ni de la directive services de 2006 précitée ni de la jurisprudence de la CJUE que les baux emphytéotiques portant sur des biens du domaine privé des personnes publiques constitueraient des autorisations pour l’accès à « une activité de service ou à son exercice ». Ainsi, le Conseil d’Etat considère que l’État n’a pas commis une erreur dans la transposition de la directive (au travers de l’adoption de l’ordonnance du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques).
Dès lors, seule la délivrance des titres d’occupation du domaine public des personnes publiques est soumise à une obligation de publicité et de mise en concurrence, et non ceux portant sur leur domaine privé.
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Un agent public n’intervenant ni en fait ni en droit dans la procédure d’attribution d’un contrat de la commande publique peut néanmoins être reconnu coupable de délit de favoritisme.
Cour de cassation, chambre criminelle, 7 septembre 2022, n° 21-83.121
Le délit de favoritisme au sens de l’article 432-14 du code pénal n’exige pas que la personne poursuivie soit intervenue, en fait ou en droit, dans la procédure d’attribution d’un contrat de la commande publique. Telle est la solution retenue par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 7 septembre 2022 rendu à l’encontre d’un agent public qui ne disposait pourtant pas, par sa fonction, du pouvoir d’intervenir directement, en droit comme en fait, dans la procédure de passation d’une délégation de service public mais dont les missions et les compétences lui permettaient d’octroyer un avantage injustifié à une société candidate.
En l’espèce, dans le cadre de la procédure de passation d’une délégation de service public en matière de restauration scolaire, un agent public employé à la fois par le candidat sortant et par l’autorité délégante a été reconnu coupable de favoritisme pour avoir apporté son aide à la société attributaire du marché dans la présentation de son dossier de candidature. La condamnation de l’agent a été confirmée en appel.
La chambre criminelle de la Cour de cassation, tout en soulignant l’absence de pouvoir de décision de l’agent concerné, a confirmé le bien-fondé du raisonnement des juges du fond qui avaient retenu que ladite personne « disposait […] du pouvoir d’intervenir dans la procédure d’attribution de la DSP au regard des multiples missions qu’elle assumait, de sa connaissance approfondie du fonctionnement de la restauration scolaire, du rôle qu’elle jouait tant au sein de la mairie que du groupement en charge de la DSP pour la mise en œuvre de la politique municipale de restauration scolaire et de l’expertise qu’elle apportait en la matière aux élus ».
En définitive, la Cour de cassation retient que la seule circonstance que l’agent concerné ne disposait pas d’un pouvoir de décision quant au choix de l’attributaire ne l’excluait pas pour autant du champ d’application de l’article 432-14 du code pénal relative au délit de favoritisme. Le juge judiciaire estime ainsi que la méconnaissance des règles de liberté d’accès et d’égalité des candidats à l’attribution de contrats de la commande publique peut être caractérisée par d’autres moyens, notamment au regard des informations privilégiées auxquelles l’agent public peut avoir accès, ainsi que des compétences et de l’expertise professionnelle dont il peut faire bénéficier l’entreprise attributaire.
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Validation par le Conseil d’Etat de la « procédure d’amélioration de l’offre du candidat » en matière d’éolien en mer.
Le Conseil d’État s’est prononcé dans une décision du 23 novembre 2022 sur la conformité du mécanisme d’amélioration de l’offre du candidat retenu à l’issue d’une procédure de mise en concurrence relative à des installations de production d’énergie renouvelable en mer. Ce dispositif a été créé par la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 [5] dite pour « un Etat au service d’une société de confiance » et était applicable aux contrats non signés au 11 août 2018. Cette procédure particulière permet au candidat retenu, préalablement à la conclusion du contrat d’achat d’électricité, d’améliorer son offre, le cas échéant par dérogation au cahier des charges.
Le cas d’espèce soumis au Conseil d’Etat portait sur l’attribution en juin 2014 d’un des deux lots de la procédure d’appel d’offres portant sur l’implantation d’un parc éolien sur le domaine public maritime au large des îles d’Yeu et de Noirmoutier.
Le juge administratif relève que le caractère facultatif de la procédure dite d’amélioration de l’offre du candidat prévue à l’article 58 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018, pouvant être mise en œuvre après la désignation du candidat retenu et avant la conclusion du contrat d’achat d’électricité, devait être regardée comme distincte de la procédure générale de passation permettant de départager les candidats de manière objective, transparente et non discriminatoire.
Le Conseil d’Etat estime ainsi que la modification du cahier des charges par un candidat, dès lors qu’elle intervient après sa désignation, ne peut être considérée comme une modification substantielle imposant une nouvelle procédure de mise en concurrence au sens de l’article R. 2194-7 du code de la commande publique. Le Conseil d’Etat souligne dans son arrêt que « la procédure ainsi prévue par le législateur est justifiée par des motifs d’intérêt général et permet notamment de tenir compte de l’évolution des conditions économiques d’exploitation des parcs éoliens en mer, en diminuant par exemple le tarif d’achat de l’électricité ainsi produite et en évitant que, compte tenu de cette évolution, la société exploitante ne perçoive une rémunération excessive ».
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Une entreprise faisant l’objet d’une peine d’exclusion des marchés publics ne peut être effectivement exclue d’une procédure de passation tant que cette condamnation n’est pas exécutoire.
Conseil d’Etat du 2 novembre 2022, Société « Icare », n°464479
Dans sa décision du 2 novembre 2022, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur le sort d’une entreprise exclue de la procédure de passation d’un marché de défense et de sécurité lancé par le ministère des Armées sur le fondement du 3° de l’article L. 2141-4 du code de la commande publique applicable aux marchés de défense et de sécurité. Ces dispositions prévoient l’exclusion automatique de l’attribution de ces marchés des personnes morales à l’encontre desquelles le juge pénal prononce, en application de l’article 131-39 du code pénal, une « exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus ».
Néanmoins, dans l’affaire soumise à l’appréciation du Conseil d’Etat, la condamnation qui pesait sur l’entreprise requérante n’était ni définitive, ni exécutoire. Non seulement l’entreprise avait fait appel de cette condamnation, et le code de procédure pénale, en son article 506, dispose qu’il est sursis à l’exécution du jugement rendu par un tribunal correctionnel durant le délai d’appel ainsi que durant la durée de l’instance d’appel.
Par conséquent, le Conseil d’Etat estime qu’un candidat à une procédure de passation faisant l’objet d’une peine d’exclusion ne peut être exclu par le pouvoir adjudicateur durant le délai d’appel et durant l’instance d’appel, autrement dit tant que la condamnation n’est pas exécutoire. Le conseil d’Etat a donc rejeté le pourvoi introduit par le ministère des Armées et a confirmé l’injonction faite par le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Versailles que la procédure soit reprise au stade de l’examen des candidatures.
[1] Concomitamment, un arrêté du 29 décembre 2022 a modifié les clauses des CCAG relatives aux avances. Cet arrêté réduit le délai prévu à l’article 50.2.1 du CCAG Travaux relatif au cas de droit à résiliation du marché pour ordre de service tardif – il passe de six à quatre mois -, ainsi que le délai prévu à l’article 18.1, à partir duquel le titulaire du marché peut se prévaloir d’un préjudice à ce titre.
[2] CCP, art. R. 2432-3 et R. 2432-4
[3] La Haute juridiction a fondé son raisonnement sur le célèbre arrêt de la cour de justice de l’Union européenne Promoimpresa Srl rendu le 14 juillet 2016 (C-458/14 et C-67/15).
[4] Conseil d’Etat du 10 juillet 2020, Société Paris Tennis, n° 434582
[5] Les dispositions du III de l’article 58 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance, visées par l’arrêt, prévoient que :
« III. Pour les procédures de mise en concurrence mentionnées à l’article L. 311-10 du code de l’énergie relatives à des installations de production d’énergie renouvelable en mer dont le candidat retenu a été désigné avant le 1er janvier 2015 et pour lesquelles les contrats prévus à l’article L. 311-12 du même code n’ont pas encore été conclus à la date de publication de la présente loi, le ministre chargé de l’énergie peut demander, préalablement à la conclusion desdits contrats, au candidat retenu d’améliorer son offre, notamment en diminuant le montant du tarif d’achat, en modifiant les modalités de révision ou de versement de ce tarif ou en réduisant la puissance de l’installation, le cas échéant par dérogation à certaines dispositions du cahier des charges mentionné aux articles L. 311-10-1 et L. 311-10-2 dudit code.
L’acceptation par le ministre chargé de l’énergie de l’offre améliorée emporte, en tant que de besoin, mise à jour du cahier des charges mentionné aux mêmes articles L. 311-10-1 et L. 311-10-2 et le contenu de cette offre améliorée s’impose au contrat que le candidat retenu conclut avec Électricité de France conformément à l’article L. 311-12 du même code »