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Adoption de dérogations temporaires au code de la commande publique pour faciliter la reconstruction ou la réfection des équipements publics et des bâtiments endommagés lors des violences urbaines
Afin d’accélérer et de faciliter les opérations de reconstruction ou de réfection des équipements publics et des bâtiments dégradés ou détruits au cours des troubles à l’ordre et à la sécurité publique survenus entre le 27 juin et le 5 juillet 2023, l’article 2 de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 a autorisé le gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure permettant aux maîtres d’ouvrage soumis au code de la commande publique, pendant une durée limitée, de conclure en dessous d’un certain seuil des marchés publics de travaux sans publicité préalable mais avec mise en concurrence, de déroger au principe d’allotissement et de recourir aux marchés globaux.
Ces dispositions dérogatoires sont applicables aux marchés pour lesquels une consultation est engagée à compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance, et ce pendant un délai de neuf mois, soit du 28 juillet 2023 au 28 avril 2024.
Aux termes de l’article 1er de l’ordonnance du 26 juillet 2023, les acheteurs soumis au code de la commande publique sont autorisés à conclure sans publicité préalable, mais après mise en concurrence, les marchés de travaux « nécessaires à la reconstruction ou à la réfection des équipements publics et bâtiments affectés par des dégradations » répondant à un besoin dont le montant est inférieur à 1,5 million d’euros hors taxes. Ces dispositions sont également applicables aux lots dont le montant est inférieur à 1 million d’euros hors taxes, à la condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.
L’ordonnance fixe également les modalités de dérogation au principe d’allotissement. Les acheteurs pourront passer outre le principe d’allotissement (article L. 2113-10 du code de la commande publique) sans qu’il soit besoin de démontrer qu’il se trouve dans une des situations de l’article L. 2113-11 du CCP. Cette dérogation n’est assortie d’aucune limite de montant.
Par ailleurs, l’article 3 de l’ordonnance crée un nouveau cas de recours aux marchés de conception-réalisation en autorisant les acheteurs, quel que soit le montant des travaux, à « confier à un opérateur économique une mission globale portant sur la conception, la construction ou l’aménagement des équipements publics et des bâtiments […] y compris si les conditions posées au deuxième alinéa de l’article L. 2171-2 du code de la commande publique ne sont pas remplies ». Ainsi, les acheteurs n’auront pas à justifier que des « motifs d’ordre technique ou un engagement contractuel portant sur l’amélioration de l’efficacité énergétique ou la construction d’un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en vigueur rendent nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage » (article L. 2171-2 al. 2 CCP).
Pour la mise en œuvre de ces dérogations, les acheteurs pourront se reporter à la fiche technique publiée par la DAJ [1].
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Publication de nouveaux formats européens d’avis de publicité des contrats de la commande publique
A compter du 25 octobre 2023, les nouveaux formulaires européens d’avis de publicité (eForms) pour les contrats de la commande publique d’un montant égal ou supérieur aux seuils de procédure formalisée en vue de leur publication au JOUE, issus du règlement d’exécution 2019/1780/UE [2], remplaceront définitivement les formulaires « standards » en vigueur depuis le 1er avril 2016.
Par anticipation, la DAJ a indiqué qu’au niveau national, les systèmes d’information du Bulletin officiel d’annonces des marchés publics (« BOAMP ») n’accepteront plus que les nouveaux avis de publicité eForms dès le 30 septembre 2023.
Pour mémoire, les formulaires standards et les eForms sont, depuis le 14 novembre 2022, utilisables en parallèle de façon transitoire.
Une notice relative aux nouveaux formulaires eForms est disponible sur le site de la DAJ [3].
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Application de la jurisprudence Czabaj au recours en contestation de la validité du contrat exercé par un concurrent évincé
CE 19 juillet 2023 Société Seateam aviation, req. n° 465308 : mentionné aux tables du recueil Lebon
Par une décision du 19 juillet 2023, le conseil d’Etat étend le champ d’application de la jurisprudence Czabaj [4] aux recours en contestation de la validité d’un contrat administratif. Cet arrêt Société Seateam aviation s’inscrit dans le prolongement de l’extension du champ d’application de la jurisprudence Czabaj.
Pour mémoire, la décision Czabaj prévoit, au nom du principe de sécurité juridique que, lorsque le délai de recours de deux mois prévu par l’article R. 421-1 du code de justice administrative n’est pas opposable, faute de preuve du respect des obligations d’information sur les voies et délais de recours, le destinataire d’une décision ne peut néanmoins la contester au-delà d’un délai raisonnable fixé, sauf circonstances particulières, à un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance.
Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Société Seateam aviation, le ministre de la Défense avait conclu un marché ayant pour objet la fourniture d’heures de vol d’aéronef pour assurer des essais de matériel et l’entraînement des forces de la Marine nationale. La société Seateam aviation, candidate évincée à la passation de ce marché, a formé un recours devant le juge administratif, sur le fondement de la jurisprudence Tropic Travaux [5], afin de demander l’annulation de ce contrat et de formuler des demandes indemnitaires.
Saisi en cassation, le conseil d’Etat rappelle dans son arrêt les principes de la jurisprudence Tropic Travaux en vertu desquels le recours en contestation de la validité d’un contrat doit en principe être exercé dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées. Toutefois, ce délai ne peut commencer à courir que si ces mesures indiquent au moins l’objet du contrat et l’identité des parties contractantes ainsi que les coordonnées, postales ou électroniques, du service auprès duquel le contrat peut être consulté.
Dans le cas d’espèce, le conseil d’Etat constate que le délai de deux mois n’était pas opposable à la société Seateam aviation en raison de l’absence de publicité suffisante des modalités de consultation des contrats. Toutefois, la formation de jugement considère que le recours de cette dernière était tardif faute d’avoir été introduit dans le délai raisonnable d’un an à compter de la publication de l’avis d’attribution du marché au BOAMP, et précise qu’aucune circonstance particulière ne pouvait justifier la prorogation du délai raisonnable dans lequel la requérante pouvait exercer son recours en contestation de la validité du contrat.
Comme souligné par le rapporteur public Nicolas Labrune dans ses conclusions [6], cette solution devrait s’appliquer tant aux recours formés par les concurrents évincés sous l’empire de la jurisprudence Tropic Travaux qu’aux recours engagés par des tiers aux contrats sur le fondement de la jurisprudence Tarn-et-Garonne [7], étant précisé que cette solution ne vaut que pour les conclusions contestant la validité du contrat, et non pour les conclusions indemnitaires.
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Précisions sur la garantie décennale à laquelle sont tenus les constructeurs au titre des marchés publics de travaux
CE 5 juin 2023 Société Rousseau, req. n° 461341 : mentionné aux tables du recueil Lebon
Par un arrêt du 5 juin 2023, le conseil d’Etat s’est prononcé sur l’applicabilité des dispositions de l’article 1792-7 du code civil [8] à un marché public de travaux.
En l’espèce, le service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) avait conclu avec la société Rousseau un marché public de travaux en vue du remplacement d’une centrale à eau glacée et d’une centrale de traitement d’air ainsi que la refonte de la ventilation d’un atelier de reprographie. Les travaux ont été réceptionnés sans réserve en juillet 2011 mais, peu de temps après, des dysfonctionnements sont survenus obligeant le SHOM à arrêter le système un an plus tard.
Le SHOM a donc saisi le tribunal administratif de Rennes afin que ce dernier condamne la société Rousseau, au titre de la garantie décennale, à la réparation des préjudices résultant d’une part du remplacement des groupes frigorifiques défectueux et d’autre part de la location et de l’installation de groupes de remplacement. Par un jugement en date du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande du SHOM.
Toutefois, par un arrêt rendu le 17 décembre 2021 [9], la cour administrative de Nantes a annulé le jugement et a condamné la société Rousseau à verser au SHOM la somme de 201 116,79 EUR en réparation des préjudices subis. La société Rousseau s’est alors pourvue en cassation devant le conseil d’Etat.
Après avoir rappelé les principes régissant la garantie décennale des constructeurs, le conseil d’Etat a refusé de faire application des dispositions de l’article 1792-7 du code civil aux marchés publics de travaux. La formation de jugement a en effet suivi les préconisations du rapporteur public Marc Pichon de Vendeuil, qui soulignait dans ses conclusions [10] que les dispositions de l’article 1792-7 du code civil, combinées avec celles des articles 1792-2 et 1792-3 du même code, pourraient conduire à « réduire significativement le champ des garanties décennale et biennale, en allant jusqu’à exclure de leur champ des équipements pourtant « indissociables » au sens de la définition « physique » qu’en donne l’article 1792-2 du code civil ».
Le conseil d’État rappelle donc dans son arrêt que « la responsabilité décennale du constructeur peut être recherchée pour des dommages survenus sur des éléments d’équipement dissociables de l’ouvrage s’ils rendent celui-ci impropre à sa destination. La circonstance que les désordres affectant un élément d’équipement fassent obstacle au fonctionnement normal de cet élément n’est pas de nature à engager la responsabilité décennale du constructeur si ces désordres ne rendent pas l’ouvrage lui-même impropre à sa destination ».
Cet arrêt Société Rousseau illustre une nouvelle fois l’autonomie du juge administratif lorsque celui-ci est amené à faire application des dispositions du code civil, et ce particulièrement en matière de garantie décennale. A cet égard, l’ancienne référence aux « principes dont s’inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil » a été définitivement remplacé depuis un arrêt Commune de Saint-Michel-sur-Orge de 2015 [11] par la mention des « principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs », illustrant bien l’émancipation du juge administratif à l’égard du droit civil.
[1] Fiche technique de la DAJ relative à la publication de l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023
[2] Règlement d’exécution (UE) 2019/1780 du 23 septembre 2019 établissant les formulaires types pour la publication d’avis dans le cadre de la passation des marchés publics
[3] Notice de la DAJ relative aux nouveaux formats européens d’avis de publicité des contrats de la commande publique (eForms)
[4] CE 13 juillet 2016 Czabaj, req. n° 387763 : publié au recueil Lebon
[5] CE 16 juillet 2007 Société Tropic Travaux Signalisation, req. n° 291545 : publié au recueil Lebon
[6] Conclusions du rapporteur public Nicolas Labrune
[7] CE 4 avril 2014 Département de Tarn-et-Garonne, req. n° 358994 : publié au recueil Lebon
[8] L’article 1792-7 du code civil dispose que « Ne sont pas considérés comme des éléments d’équipement d’un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 les éléments d’équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage ».
[9] CAA Nantes 17 décembre 2021 SHOM, req. n° 21NT00417
[10] Conclusions du rapporteur public Marc Pichon de Vendeuil
[11] CE 15 avril 2015 Commune de Saint-Michel-sur-Orge, req. n° 376229 : publié au recueil Lebon