Environnement

Newsletter Energie Environnement – Février 2024

  • Réforme du marché européen de l’électricité : le conseil et le Parlement parviennent à un accord

Texte de l’accord sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) 2019/943 et (UE) 2019/942 ainsi que les directives (UE) 2018/2001 et (UE) 2019/944 afin d’améliorer l’organisation du marché de l’électricité de l’Union

Après l’adoption par les Etats membres de l’Union européenne d’un projet de règlement en octobre dernier [1], la réforme du marché européen de l’électricité a franchi une nouvelle étape institutionnelle : le conseil de l’Union européenne et le Parlement européen ont conclu le 14 décembre 2023 un accord provisoire.

La réforme vise à stabiliser les marchés de l’électricité à long terme en rendant les prix de l’électricité moins dépendants de la volatilité des prix des combustibles fossiles, en stimulant le marché des accords d’achat d’électricité (AAE), en généralisant les contrats d’écart compensatoire bidirectionnels et en améliorant la liquidité du marché à terme.

L’accord conclu entre le conseil et le Parlement prévoit de donner aux Etats membres la possibilité de soutenir l’achat de nouvelles productions d’énergies renouvelables, lorsque les conditions le permettent et conformément aux plans de décarbonation des Etats membres. Le conseil se verrait également reconnaître la capacité de déclarer un état de crise [2], sur proposition de la commission, permettant aux Etats membres d’adopter des mesures de nature à réduire les prix de l’électricité pour les consommateurs vulnérables et défavorisés.

L’accord provisoire prévoit également que l’agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) procède à une évaluation du marché des AAE, sur la base des informations contenues dans la base de données prévue par le règlement REMIT.

Enfin, l’accord provisoire prévoit en outre de pérenniser les mécanismes de capacité, mesures de soutien que les Etats membres peuvent introduire pour rémunérer les centrales électriques afin de garantir la sécurité de l’approvisionnement en électricité à moyen et à long terme.

Cet accord provisoire doit à présent être approuvé et formellement adopté à la fois par le conseil et le Parlement.

  • Industries vertes : la commission européenne autorise un régime d’aides d’Etat français de 2,9 milliards d’euros

Communiqué de presse de la commission européenne du 8 janvier 2024

La Commission européenne a autorisé un régime d’aides français d’un montant de 2,9 milliards d’euros visant à soutenir les investissements dans les industries vertes pour favoriser la transition vers une économie à zéro émission nette, conformément au plan REPowerEU et au plan industriel du pacte vert [3].

L’aide prendra la forme d’un crédit d’impôt ouvert aux entreprises portant des projets d’investissements dans la production de panneaux solaires, batteries, éoliennes et pompes à chaleur, ainsi que des composants essentiels pour la production de ces équipements et des matériaux critiques nécessaires à leur production.

La commission européenne a constaté que le régime d’aides français était nécessaire, approprié et proportionné pour accélérer la transition écologique et qu’il était en outre conforme aux conditions énoncées dans l’encadrement temporaire de crise et de transition dans la mesure où :

  • l’aide encouragera la production d’équipements stratégiques pour la transition vers une économie à zéro émission nette ;
  • son montant par bénéficiaire ne dépassera pas les plafonds prévus au titre de l’encadrement temporaire de crise et de transition ; et
  • l’aide ne sera accordée que jusqu’au 31 décembre 2025 au plus tard.
  • Contentieux éolien : les collectivités territoriales ne sont pas systématiquement des tiers recevables à contester une autorisation environnementale

CE, 1er décembre 2023, Département de la Charente-Maritime, req. n° 467009 : mentionné aux tables du recueil Lebon

CE, 1er décembre 2023, Région Auvergne Rhône-Alpes, req. n° 470723 : mentionné aux tables du recueil Lebon

Par deux décisions en date du 1er décembre 2023, le conseil d’Etat a précisé les conditions dans lesquelles une collectivité territoriale pouvait se voir reconnaître un intérêt à agir à l’encontre d’une autorisation environnementale portant sur la construction de parcs éoliens.

Dans la première affaire (n°467009), le département de la Charente-Maritime a formé un recours pour excès de pouvoir aux fins d’annulation d’une autorisation environnementale délivrée par le préfet. La cour administrative d’appel de Bordeaux ne lui a pas reconnu d’intérêt à agir et a donc rejeté sa demande. Dans la seconde affaire (n°470723), la région Auvergne-Rhône-Alpes et les communes de Saint-Hilaire et de Meillers, limitrophes d’un projet de parc éolien, ont formé un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de l’autorisation environnementale délivrée pour ce projet. La cour administrative d’appel de Lyon ne leur a pas non plus reconnu d’intérêt à agir et a donc également rejeté leur demande.

Les requérants s’étant pourvus en cassation dans ces deux affaires, le conseil d’Etat a statué conjointement sur l’intérêt à agir du département de la Charente-Maritime, de la région Auvergne-Rhône-Alpes et des deux communes.

Pour rappel, l’article R. 181-50 du code de l’environnement permet aux « tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l’article L. 181-3 » de contester devant la juridiction administrative les autorisations environnementales dans un délai de quatre mois à compter de la dernière formalité accomplie entre leur affichage en mairie ou leur publication sur le site internet de la préfecture.

Dans les deux décisions précitées rendues le 1er décembre 2023, le conseil d’Etat est venu préciser qu’au sens de ces dispositions : « une personne morale de droit public ne peut se voir reconnaître la qualité de tiers recevable à contester devant le juge administratif une autorisation environnementale que dans les cas où les inconvénients ou les dangers pour les intérêts visés à l’article L. 181-3 sont de nature à affecter par eux-mêmes sa situation, les intérêts dont elle a la charge et les compétences que la loi lui attribue ».

A ce titre, le conseil d’Etat a considéré en l’espèce que le département de la Charente-Maritime et la région Auvergne-Rhône-Alpes n’avaient pas intérêt à agir à l’encontre des autorisations environnementales en cause dès lors que ces deux collectivités ne justifiaient d’aucune compétence propre en matière de protection de l’environnement, des paysages, du patrimoine ou en matière d’aménagement du territoire.

A contrario, le conseil d’Etat a estimé que les communes disposaient de compétences leur permettant plus facilement de justifier d’un intérêt à agir à l’encontre des autorisations environnementales puisque leur situation, du fait de leur proximité immédiate ou des intérêts dont elles ont la charge, peuvent être spécialement affectés.

En l’espèce, le projet affectait directement la qualité de l’environnement des deux communes et impactait leur activité touristique, en raison notamment de nuisances paysagères et patrimoniales, ainsi que de la proximité du site d’implantation avec plusieurs monuments historiques. Le conseil d’Etat a donc jugé que les deux communes justifiaient bien d’un intérêt à agir. Il a dès lors annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon sur ce point et a renvoyé l’affaire devant cette même juridiction.

  • Le conseil d’État annule partiellement les modalités d’application du dispositif des certificats d’économies d’énergie

CE, 4 janvier 2024, Syndicat FF3C, req. n° 469215

Dans un arrêt du 4 janvier 2024, le conseil d’Etat a annulé plusieurs dispositions de l’arrêté du 22 octobre 2022 modifiant l’arrêté du 29 décembre 2014 relatif aux modalités d’application du dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE).

Les dispositions annulées avaient pour objet de prévoir des bonifications et des incitations financières renforcées pour le remplacement d’une chaudière au fioul par une pompe à chaleur, un système solaire combiné, une chaudière biomasse ou un raccordement à un réseau de chaleur alimenté majoritairement par des énergies renouvelables ou de récupération, ainsi que de supprimer, pour les bonifications existantes, la condition que l’équipement de chauffage remplacé ne soit pas à condensation. Eu égard à leur finalité et à leur portée, ces dispositions avaient pour objet d’accélérer la diminution du parc installé de chaudières existantes au fioul et à développer ainsi l’utilisation des énergies renouvelables, en réduisant les émissions de CO2.

Comme relevé par le conseil d’Etat dans son arrêt, il ressortait des pièces du dossier que ces dispositions seraient susceptibles de conduire au remplacement de près de 150 000 chaudières au fioul sur sa période d’application, représentant 5 % du parc de chaudières existantes et permettant d’éviter l’émission de près d’un million de tonnes de CO2 par an.

Le conseil d’Etat a donc jugé que ces dispositions devaient être regardées comme ayant une incidence directe et significative sur l’environnement au sens de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement. Leur adoption devait dès lors être précédée, à peine d’illégalité, d’une consultation du public.

Par conséquent, le conseil d’Etat a considéré que le syndicat requérant était bien fondé à soutenir que les dispositions litigieuses avaient été adoptées au terme d’une procédure irrégulière, dès lors qu’elles n’avaient pas fait l’objet d’une consultation préalable du public.

Toutefois, eu égard à l’intérêt général qui s’attache à la confiance des agents économiques dans le fonctionnement du dispositif des certificats d’économie d’énergie et aux conséquences manifestement excessives d’une telle annulation sur la situation de ces personnes, le conseil d’Etat a dérogé au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses en différant au 1er avril 2024 la date d’effet de l’annulation.

[1] Voir newsletter du mois d’octobre 2023.

[2] L’accord provisoire définit les critères qui permettent de déclarer une crise, en lien avec le prix moyen sur les marchés de gros de l’électricité ou une forte hausse des prix de détail de l’électricité.

[3] Le régime a été autorisé au titre de l’encadrement temporaire de crise et de transition en matière d’aides d’État, adopté par la commission le 9 mars 2023 et modifié le 20 novembre 2023, afin de soutenir des mesures dans des secteurs essentiels pour accélérer la transition écologique et réduire la dépendance à l’égard des combustibles fossiles.