Environnement

Newsletter Energie Environnement – Mars 2023

  • Publication au Journal officiel de la loi « Energies renouvelables » après sa validation par le Conseil constitutionnel

Conseil constitutionnel, 9 mars 2023, Loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, n° 2023-848 DC

Après son adoption définitive par le Parlement le 7 février dernier, la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables a été publiée au journal officiel, une fois validée par le Conseil constitutionnel.

Par sa décision n° 2023-848 DC du 9 mars 2023, celui-ci s’est prononcé sur les dispositions de la loi dont il avait été saisi par deux recours.

La loi “Energies renouvelables” prévoit :

  • la simplification et l’accélération des procédures environnementales, notamment au stade de l’obtention de l’autorisation environnementale, la création de nouveaux référents préfectoraux à l’instruction des projets renouvelables et l’obligation pour le juge administratif d’admettre la régularisation de l’autorisation environnementale lorsque cela est possible ;
  • la libération du foncier nécessaire au déploiement des énergies renouvelables, en particulier dans les zones ne présentant pas d’enjeux environnementaux majeurs tels que les terrains en bordure des routes et des autoroutes (par exemple les aires de repos ou les bretelles d’autoroutes) et les voies ferrées et fluviales ; les friches en bordure du littoral et les parkings extérieurs existants de plus de 1 500 m², ainsi que les immeubles non résidentiels neufs ou lourdement rénovés (entrepôts, hôpitaux, écoles…), les bâtiments non résidentiels existants seront soumis à ces obligations à partir de 2028 ;
  • l’accélération et la planification du déploiement de l’éolien en mer en particulier par l’instauration d’un « document stratégique de façade » identifiant sur dix ans et à horizon 2050 des zones prioritaires pour l’implantation de parcs éoliens et leurs raccordements ;
  • l’amélioration du financement et de l’attractivité des projets d’énergies renouvelables à travers le développement des contrats de long terme de vente directe d’électricité entre producteurs et consommateurs finals, ainsi que des mesures fiscales de soutien à l’activité de fourniture d’électricité via des contrats de vente de long terme.

Les députés ayant saisi le Conseil constitutionnel soutenaient en particulier que l’article 19 de la loi était contraire à l’objectif à valeur constitutionnelle de protection de l’environnement résultant de l’article 1er de la charte de l’environnement, cet article 19 instaurant une présomption de raison impérieuse d’intérêt majeur dont bénéficient les projets d’énergies renouvelables pour obtenir une dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées.

En réponse, le Conseil constitutionnel relève que cette présomption « ne dispense pas les projets d’installations auxquels elle s’appliquera du respect des autres conditions prévues pour la délivrance d’une dérogation aux interdictions prévues par l’article L. 411-1 du code de l’environnement. À cet égard, l’autorité administrative compétente s’assure, sous le contrôle du juge, qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ». Le Conseil constitutionnel estime donc que cette mesure ne porte pas atteinte à l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement.

Le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution dix articles constituant des « cavaliers législatifs », ainsi qu’un autre article pour défaut de portée normative. La loi “Energies renouvelables” sort donc pour l’essentiel intacte de son examen par le Conseil constitutionnel.

  • L’augmentation transitoire du volume de l’électricité nucléaire historique décidée dans le contexte de la guerre en Ukraine était régulière

CE, 3 février 2023, Fédération Chimie Énergie FCE-CFDT, n° 462840

Afin de répondre aux bouleversements engendrés par le déclenchement de la guerre en Ukraine sur le marché de l’électricité, le gouvernement a adopté un décret [1] et plusieurs arrêtés le 11 mars 2022 qui ont augmenté de 20 TWh le volume d’électricité devant être cédé par EDF dans le cadre du mécanisme de l’accès régulé à l’électricité nucléaire (ARENH) [2] pour l’année 2022. Plusieurs organisations syndicales du secteur de l’énergie avaient alors formé un recours pour excès de pouvoir devant le conseil d’Etat pour contester la légalité de ces dispositions.

Par une décision rendu le 3 février 2023 [3], le conseil d’Etat juge ces mesures régulières dans la mesure où « les actes contestés n’instituent pas un dispositif distinct du régime de l’ARENH mais se bornent […] à augmenter le volume global maximal d’électricité susceptible d’être cédé par EDF au titre de l’année 2022 et à fixer les modalités spécifiques d’attribution de ces volumes additionnels alloués à titre exceptionnel ». A cet égard, le contexte spécifique lié à la guerre en Ukraine et ses conséquences dommageables sur le marché de l’électricité justifient selon le conseil d’Etat le rehaussement transitoire du volume cédé par EDF dans le cadre de l’ARENH, ce rehaussement ne portant pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre d’EDF au regard des objectifs poursuivis par la mesure contestée.

Le Conseil d’Etat juge par ailleurs que les actes attaqués sont conformes au droit de l’Union européenne, dans la mesure où ni le plafond du volume global maximal d’électricité susceptible d’être cédé dans le cadre de l’ARENH, ni le volume global maximal d’électricité fixé par les ministres chargés de l’économie et de l’énergie, ni le prix d’achat fixé par ces mêmes ministres n’excèdent « ce qui était et reste nécessaire afin de réduire les écarts de coûts d’approvisionnement en électricité entre EDF et les autres fournisseurs d’électricité ». Dès lors, l’ARENH devant être regardé comme un mécanisme opérant un rééquilibrage des charges entre opérateurs sur le marché de l’électricité français aux fins de favoriser la concurrence, le conseil d’Etat juge que les mesures contestées ne constituent pas une aide d’Etat au sens de l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

  • La Commission européenne présente ses pistes de réforme du marché européen de l’électricité

Commission européenne – Communiqué de presse, 14 mars 2023

La Commission européenne a dévoilé le 14 mars 2023 ses pistes pour réformer le marché européen de l’électricité, comme elle s’était engagée à le faire à la suite du déclenchement de la guerre en Ukraine, celle-ci ayant entraîné une baisse des livraisons de gaz russe vers l’Europe tirant vers le haut les prix de l’énergie [4].

Plutôt qu’une refonte complète et un découplage strict du prix du gaz et de l’électricité, que le gouvernement français appelait de ses vœux [5], la commission européenne entend développer les contrats de long terme (« power purchase agreements » ou PPA) à des prix garantis par les Etats membres, pour la production d’énergie à partir de combustibles non fossiles, ce qui permettrait aux consommateurs de lisser leurs factures tout en offrant des revenus prévisibles aux fournisseurs. La proposition de la Commission européenne prévoit également d’obliger les Etats membres à établir des fournisseurs en dernier ressort afin qu’aucun consommateur ne se retrouve privé d’électricité.

La Commission entend également favoriser le recours aux « contrats pour la différence » (« contracts for difference » ou CfD) [6] à prix garanti par l’Etat afin d’offrir des conditions d’investissement sûres et stables aux promoteurs d’énergies renouvelables en réduisant les risques et les coûts du capital tout en évitant les bénéfices exceptionnels en période de prix élevé.

Enfin, il est prévu de renforcer les pouvoirs de l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (l’Acer) et les régulateurs nationaux en matière de surveillance de l’intégrité et de la transparence du marché de l’énergie.

Ces mesures figureront dans un « paquet législatif » [7] qui devrait être présenté prochainement par la commission européenne, puis négocié par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne. Les divergences entre les Etats membres, notamment autour du rôle du nucléaire, pourraient compliquer les négociations sur ce texte, même si la commission européenne espère un accord d’ici l’hiver prochain. A suivre donc.

  • Annulation de l’arrêté relatif à la révision des contrats d’électricité d’origine photovoltaïque

CE, 27 janvier 2023, Association Solidarité Renouvelables et autres, n° 458991

Afin de préserver la rentabilité des installations de production d’électricité d’origine photovoltaïque, l’article 225 de la loi de finances pour 2021 a instauré une procédure de réduction du tarif des contrats d’électricité d’origine solaire pour les installations d’une puissance crête de plus de 250 kilowatts, fondés sur les arrêtés tarifaires du 10 juillet 2006, du 12 janvier 2010 et du 31 août 2010.

Le Conseil d’Etat a été saisi d’un recours portant sur la légalité du décret n° 2021-1385 et de l’arrêté du 26 octobre 2021 pris en application de cet article 225 de la loi de finances pour 2021.

Dans sa décision du 27 janvier 2023 [8], le conseil d’Etat écarte l’intégralité des moyens soulevés par les requérants à l’encontre du décret du 26 octobre 2021. Il valide donc le principe même de la procédure de réduction des tarifs des contrats d’achat d’électricité instaurée par ce décret.

Toutefois, s’agissant de l’arrêté fixant le niveau de réduction des tarifs, le conseil d’Etat soulève que l’obligation d’achat de l’électricité d’origine photovoltaïque à un prix supérieur à sa valeur de marché constitue, « à hauteur de la différence entre le tarif de rachat par les acheteurs obligés et le coût évité à ces acheteurs, lié à l’acquisition de l’électricité », une aide d’État. L’absence de notification à la commission européenne de ce régime d’aide nouvelle entache l’arrêté du 26 octobre 2021 d’illégalité.

Tout en validant le principe de réduction des tarifs des contrats d’achat d’électricité d’origine photovoltaïque, le Conseil d’Etat annule donc l’arrêté du 26 octobre 2021 pour défaut de notification à la commission européenne.

[1] Décret n° 2022-342 du 11 mars 2022

[2] L’ARENH instaurée par la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité est un mécanisme qui impose à EDF de céder une partie de sa production nucléaire à un tarif fixe, inférieur aux prix du marché, aux fournisseurs alternatifs qui en font la demande.

[3] Il s’agit de la décision relative au recours au fond qui fait suite au rejet en mai dernier du recours formé en référé (v. CE 5 mai 2022, Fédération chimie énergie CFDT, n° 462841)

[4] Les prix de gros de l’électricité dépendent actuellement du coût de la dernière centrale utilisée pour équilibrer le réseau, principalement des centrales à gaz.

[5] La Commission européenne n’a notamment pas accédé à la demande de la France d’un « découplage » total entre le gaz et l’électricité.

[6] Ce mécanisme prévoit que le producteur d’électricité reverse les revenus engrangés si le cours de l’actif est plus élevé que celui au moment de la clôture du contrat, mais qu’a contrario il perçoive une compensation en cas de baisse du marché.

[7] D’un point de vue législatif, ce sont le règlement 2019/943 du 5 juin 2019 sur le marché intérieur de l’électricité, la directive 2019/944 du 5 juin 2019 sur l’électricité et le règlement REMIT n° 1227/2011 du 25 octobre 2011 qui seront révisés par la commission européenne.

[8] Fin décembre 2021, le conseil d’Etat avait rejeté une première requête en référé, refusant de suspendre l’application des deux textes entrés en vigueur le 1er décembre 2021 (v. CE, 23 décembre 2021, Association Solidarité Renouvelables et autres, n° 458989)