Environnement

Newsletter Energie Environnement – Octobre 2023

  • Publication au journal officiel de la loi relative à l’industrie verte

Loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte

Après son adoption définitive par le Parlement, la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte a été publiée au journal officiel, sans avoir fait l’objet d’une saisine préalable du conseil constitutionnel.

Cette loi, qui a pour ambition de renforcer l’attractivité de l’industrie française dans le contexte de la transition écologique, prévoit de favoriser l’implantation d’usines notamment dans les secteurs des batteries, des pompes à chaleur, de l’éolien et des panneaux solaires.

Les principales dispositions de la loi prévoient :

  • amélioration et simplification des procédures de dépollution ;
  • réhabilitation des friches industrielles ;
  • insertion d’un volet planification du foncier industriel via les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET, PADDUC en Corse, SDRIF en Ile-de-France ou SAR dans une partie des outre-mers) qui devront intégrer un objectif en matière de développement des activités industrielles ;
  • simplification de la procédure d’autorisation environnementale, avec notamment le fait de mener en parallèle l’instruction de la demande et la consultation du public (l’ambition est de diviser par deux les délais de délivrance des autorisations, à 9 mois contre 17 aujourd’hui) ;
  • mise en œuvre d’une procédure exceptionnelle pour les projets industriels d’intérêt national majeur (listés par décret ; gigafactories notamment), avec différentes mesures et la reconnaissance d’une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) justifiant la mise en œuvre d’un projet d’envergure ; ou bien encore
  • création d’un nouveau produit d’épargne, le plan d’épargne avenir climat (PEAC), afin de favoriser le financement de l’économie durable et de la transition écologique.

Par ailleurs, la commande publique occupe une place importante dans ce texte, celle-ci étant considérée comme un levier important pour accompagner la transition écologique :

  • les entreprises ne satisfaisant pas à l’obligation d’établir un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre (BEGES) seront exclues des marchés publics, idem pour les entreprises ne respectant par leurs engagements de publication d’information en matière de durabilité ;
  • les marchés publics devront prendre en compte des critères environnementaux dès juillet 2026 pour l’achat des produits clés de la décarbonation (ex : voitures électriques, pompes à chaleur, etc.) ;
  • la dimension écologique des schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER) est étendue et l’obligation d’adopter un SPASER est élargie à l’ensemble des acheteurs soumis au code de la commande publique (CCP), y compris donc à l’Etat.
  • Adoption par la commission européenne d’un plan d’action pour soutenir l’industrie éolienne européenne

Commission européenne – Plan d’action du 24 octobre 2023 (Mesures immédiates pour soutenir l’industrie éolienne européenne)

La commission européenne a présenté le 24 octobre 2023 un plan d’action visant à encourager l’installation d’éoliennes dans l’union européenne, qui s’inscrit dans le cadre du pacte vert. Pour rappel l’UE s’est fixée pour but d’atteindre 42,5 % d’énergies renouvelables dans son mix énergétique en 2030. A ce jour, environ 16 % seulement de l’électricité consommée en Europe provient des éoliennes. La commission européenne estime que 37 GW de nouvelles capacités doivent être installées chaque année pour atteindre les objectifs européens, loin des 16 GW de 2022.

Le plan de la commission européenne prévoit notamment :

  • de faciliter et de raccourcir les procédures d’autorisation, notamment par le recours à la numérisation ;
  • d’améliorer le fonctionnement des enchères publiques ;
  • d’améliorer l’accès au financement, par l’intermédiaire du Fonds européen pour l’innovation et de la Banque européenne d’investissement (BEI) ;
  • de garantir des conditions de concurrence équitables pour le secteur de l’éolien (en recourant notamment aux accords commerciaux pour faciliter l’accès des entreprises européennes aux marchés étrangers) ;
  • d’élaborer une charte de l’éolien signée par les Etats membres et les acteurs de l’industrie éolienne afin d’assurer le maintien de la compétitivité du secteur.
  • Crise de l’énergie : les Etats membres de l’union européenne parviennent à un accord sur la réforme du marché de l’électricité

Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) 2019/943 et (UE) 2019/942 ainsi que les directives (UE) 2018/2001 et (UE) 2019/944 afin d’améliorer l’organisation du marché de l’électricité de l’Union

Après plusieurs mois de discussions et de négociations, le conseil de l’Union européenne est finalement parvenu à un accord et à une proposition commune de règlement européen afin de réformer le marché européen de l’électricité.

La réforme vise à stabiliser les marchés de l’électricité à long terme en stimulant le marché des accords d’achat d’électricité (AAE), en généralisant les contrats d’écart compensatoire bidirectionnels et en améliorant la liquidité du marché à terme. L’orientation générale adoptée par le conseil prévoit en outre de pérenniser les mécanismes de capacité, mesures de soutien que les États membres peuvent introduire pour rémunérer les centrales électriques afin de garantir la sécurité de l’approvisionnement en électricité à moyen et à long terme. Le conseil a introduit également une dérogation aux exigences en vigueur concernant les limites d’émissions de CO2 auxquelles sont soumis les producteurs d’énergie pour pouvoir bénéficier d’un soutien au titre des mécanismes de capacité, dans des conditions strictes et jusqu’au 31 décembre 2028.

Le projet de règlement prévoit également des dispositions particulières relatives à la protection des consommateurs (libre choix du fournisseur et possibilité d’accéder à des contrats à tarification dynamique et à des contrats à durée déterminée et à prix fixe, protection renforcée des clients vulnérables contre les interruptions de fourniture en mettant en place un régime de « fournisseur de dernier recours »). Il est également prévu que tous les clients puissent accéder aux programmes d’autoconsommation.

S’agissant des mécanismes tarifaires, la réforme prévoit, de manière temporaire, la possibilité d’appliquer des prix réglementés, même inférieurs aux coûts, aux petites et moyennes entreprises (PME) en temps de crise. Enfin, le texte permet aux États membres d’appliquer un plafonnement des recettes du marché excessives provenant de l’électricité produite par des producteurs jusqu’au 30 juin 2024.

  • Le Conseil d’Etat admet la prise en compte de la dimension immatérielle d’un paysage pour justifier le refus d’octroi d’une autorisation environnementale

CE, 4 octobre 2023, Société Combray Energie, n° 464855

Le Conseil d’Etat s’est prononcé pour la première fois sur la prise en compte de la dimension immatérielle d’un paysage, au-delà de ses caractéristiques strictement physiques, pour justifier le refus d’octroi d’une autorisation environnementale.

Résumons les faits : en 2020, la société Combray Energie s’est vue refuser, par la préfète d’Eure-et-Loir, une autorisation environnementale pour l’installation et l’exploitation d’un parc de huit éoliennes à proximité du village d’Illiers-Combray, dont les paysages sont étroitement liés à la vie et à l’œuvre de Marcel Proust.

Le refus était fondé sur l’article L. 181-3 du code de l’environnement, qui prévoit qu’une autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu’elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du même code, au rang desquels figure la protection des paysages et la conservation des sites.

La société a saisi la cour administrative d’appel de Versailles, qui a rejeté sa demande[1] .

La société a alors formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat. Celui-ci a tout d’abord souligné dans sa décision que, pour l’application des articles L. 511-1 et L. 350-1 A du code de l’environnement, le juge des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) pouvait apprécier la nature des atteintes portées à l’environnement en prenant en considération « des éléments présentant des dimensions historiques, mémorielles, culturelles et artistiques, y compris littéraires ».

Puis, le Conseil d’Etat a rappelé que l’autorité administrative, sous le contrôle du juge, devait, pour apprécier l’atteinte significative d’une installation à des paysages ou à des sites, prendre en compte la visibilité du projet depuis ces sites, ou la covisibilité du projet avec ces sites ou paysages. Or, dans le cas d’espèce, les éoliennes auraient été directement visibles depuis le village d’Illiers-Combray, portant dès lors une atteinte significative et irrémédiable à l’harmonie de ce site directement lié à la vie et à l’œuvre de Marcel Proust [2]. Le Conseil d’Etat a donc conclu au rejet du pourvoi (pas d’erreur de droit en prenant en considération les dimensions « culturelles et notamment littéraires du paysage »).

Espérons que cette jurisprudence ne laissera pas une part de subjectivité trop importante aux autorités administratives et au juge dans l’appréciation de l’atteinte portée par un projet à la dimension symbolique d’un lieu ou d’un paysage.

[1] CAA Versailles, 11 avril 2022, Société Combray, n° 20VE03265

[2] Sur ce point et comme l’a souligné le rapporteur public Nicolas Agnoux dans ses conclusions, le paysage « conserve pour l’essentiel son aspect champêtre et le gigantisme propre aux éoliennes [aurait porté] clairement atteinte à sa puissance évocatrices »