Réforme de la procédure civile – Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et ses textes d’application
I. FUSION DES TGI ET DES TI AU SEIN DU TRIBUNAL JUDICIAIRE (TJ)
1. Le TJ et ses chambres de proximité.
Si le TGI et le TI sont situés dans la même commune, ils fusionnent pour former un seul TJ, tout en restant sur deux sites différents. S’ils sont situés dans des communes différentes, le TI devient une « chambre de proximité » du TJ dénommée « tribunal de proximité ». Il ne s’agit pas d’une juridiction autonome, comme l’était le TI, mais d’une simple chambre du TJ.
2. Une nouvelle répartition des compétences :
- Le TJ devient la nouvelle juridiction de droit commun. Le TJ hérite des compétences du TGI et du TI. Il dispose d’une compétence de principe pour toutes les affaires civiles ou commerciales pour lesquelles la compétence n’est pas attribuée expressément à une autre juridiction en raison de la nature de la demande.
- La compétence matérielle « socle » des chambres de proximité correspond principalement au périmètre d’attribution des actuels TI (actions personnelles et mobilières jusqu’à la valeur de 10.000 euros, baux à usage d’habitation, émoluments et débours des auxiliaires de justice et officiers ministériels, différentes actions en matière agricole, crédits à la consommation, etc.).
Au-delà de ce socle, des compétences supplémentaires portant sur toute matière civile ou pénale relevant de la compétence du TJ pourront être attribuées aux chambres de proximité, dans les limites de leur ressort, par décision conjointe du premier président de la cour d’appel et du procureur général près cette cour.
Les compétences des chambres de proximité seront exclusives dans leur ressort. Cela veut dire qu’il faudra en principe saisir « la chambre de proximité » du TJ et non le TJ lui-même.
3. Création de la fonction de juge des contentieux de la protection (JCP).
Le JCP reprendra en substance les compétences actuelles du juge d’instance. Le JCP concentrera ainsi les compétences liées à une situation de vulnérabilité économique ou sociale des personnes physiques (majeurs protégés, baux d’habitation, crédit à la consommation, surendettement des particuliers, etc.).
Il sera rattaché au TJ ou aux chambres de proximité. Lorsqu’il sera rattaché aux chambres de proximité, sa compétence pourra être étendue aux actions personnelles et mobilières jusqu’à la valeur de 10.000 euros (logique de pôles géographiques).
4. Possibilité de spécialisation pour des TJ situés dans le même département.
S’il existe plusieurs TJ dans le même département, ils pourront être spécialement désignés pour connaître seuls de certaines matières, énumérées par décret, en tenant compte du volume des affaires concernées et de la technicité de ces matières (baux commerciaux, certaines opérations de construction immobilière, droits d’enregistrement, responsabilité médicale, transport de marchandises, etc.).
5. Maintien des compétences en dernier ressort ou en appel en fonction du montant de la demande.
Le TI étant supprimé, la compétence matérielle en fonction du montant de la demande disparaît. Toutefois, le montant de la demande continue d’encadrer la possibilité d’interjeter appel. Le taux de ressort est porté à 5.000 euros devant le TJ. Ce taux de ressort reste en principe à 4.000 euros pour les autres tribunaux (TC, CPH).
6. Maintien des fonctions spécialisées au sein du TJ.
On retrouve les fonctions spécialisés du TGI, notamment l’ensemble des fonctions du président du tribunal (juge des référés, juge des requêtes, JEX, JAF). Notons que le JEX hérite du contentieux relatif à la saisie des rémunérations, précédemment compétence du juge d’instance. Le JME est également conservé et ses pouvoirs renforcés (voir infra).
7. Maintien des autres tribunaux de première instance (TC, CPH, TPBR).
Pour rappel, le TGI a absorbé le TASS et le TCI depuis le 1er janvier 2019. Le TI a absorbé le juge de proximité depuis le 1er juillet 2017. Cependant, le greffe du CPH sera administrativement absorbé par celui du TJ.
II. SIMPLIFICATION DES MODES DE SAISINE
1. La saisine se fait uniquement par assignation ou par requête, conjointe ou pas.
La déclaration au greffe est supprimée.
2. Nouvelles mentions à peine de nullité pour toute demande introductive d’instance (art. 54 CPC) :
- diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige, lorsque la demande doit être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative ou la justification de la dispense d’une telle tentative (voir nouvel art. 750-1 CPC et articles R.211-3-4 et R.211-3-8 COJ, qui rendent obligatoires ces modes alternatifs de règlement des conflits pour tout litige inférieur à 5.000 euros ou entrant dans le champ des conflits de voisinage. Des exceptions sont prévues, notamment en cas de « motif légitime »).
- modalités de comparution devant la juridiction et précision de la sanction du défaut de comparution du défendeur. Cette prescription ne valait jusqu’à présent que pour l’assignation. On peine à comprendre le sens de son extension aux requêtes.
La constitution d’avocat étant désormais obligatoire devant le TJ, sauf exceptions, il conviendra de porter une attention particulière à l’information du défendeur sur les modalités de comparution applicables (voir infra, nouvel art. 760 CPC). - adresse électronique et numéro de téléphone mobile du demandeur lorsqu’il consent à la dématérialisation, ou ceux de son avocat. En revanche, la précision de l’adresse électronique et du numéro de téléphone du défendeur n’est qu’une faculté.
3. Nouvelles mentions à peine de nullité pour l’assignation (art. 56 CPC) :
- lieu, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée (assignation « à date », comme au TC). Ce système présente l’avantage pour le justiciable de pouvoir connaître, dès l’introduction de sa demande, la date de la première audience.
L’assignation portant la date communiquée par le greffe devra être placée, à peine de caducité (i) au plus tard deux mois après la communication de la date, et (ii) au moins 15 jours avant la date d’audience.
Les modalités pratiques de cette disposition ont été renvoyées à un nouveau décret, compte tenu de l’impréparation des tribunaux. Dans l’intervalle, son entrée en vigueur a été reportée au 1er septembre 2020 pour les procédures écrites avec représentation obligatoire et certaines procédures particulières (voir infra). - liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé. Cette disposition pourra être sanctionnée par la nullité, ce qui n’était pas le cas avant.
- le cas échéant, la chambre désignée. Cette prescription n’est pas édictée à peine de nullité.
- le cas échéant, accord du demandeur pour que la procédure se déroule sans audience (voir infra, nouvel art. L.212-5-1 COJ).
4. Nouvelles mentions à peine de nullité pour la requête (art. 57 CPC) :
- lorsqu’elle est formée par une seule partie, indication des noms, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou, s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social.
- liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée.
- date et signature (non sanctionné de nullité).
- le cas échéant, accord du demandeur pour que la procédure se déroule sans audience (voir infra, nouvel art. L.212-5-1 COJ).
III. EXTENSION DE LA REPRESENTATION OBLIGATOIRE PAR AVOCAT
1. Désormais, les parties seront tenues de constituer avocat devant le TJ, indépendamment du caractère écrit ou oral de la procédure (art. 760 CPC).
La représentation par avocat devient ainsi obligatoire pour :
- tout litige supérieur à 10.000 euros devant le juge des référés ou devant le JEX ;
- toutes les matières relevant de la compétence exclusive du TJ (expropriation, fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, droits d’enregistrement, révision de prestation compensatoire, etc.).
Toutefois, les parties seront dispensées de constituer avocat dans les cas suivants (art. 761 CPC) :
- la grande majorité des anciennes compétences du TI, reprises par les chambres de proximité (tableau IV-II annexé au COJ) ;
- contentieux devant le JEX, à condition que la demande soit inférieure à 10.000 euros, ou intervienne en matière d’expulsion ou de saisie de rémunérations ;
- contentieux devant le nouveau JCP ;
- contentieux de certaines élections professionnelles (tribunaux de commerce, conseils de prud’hommes, certaines sociétés, mutuelles, etc.) ;
- lorsque la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 10.000 euros ou a pour objet une demande indéterminée ayant pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10.000 euros, à l’exclusion des matières relevant de la compétence exclusive du TJ.
2. La représentation par avocat devient également obligatoire devant le TC, pour les litiges portant sur une demande qui excède 10.000 euros, y compris en référé.
Toutefois, le décret dispense les parties de constituer avocat dans les cas suivants :
- montant de la demande n’excède pas la somme de 10.000 euros ;
- litiges relatifs à la tenue du registre du commerce et des sociétés ;
- en matière de procédures collectives ;
- pour les procédures sur requête, en matière de gage des stocks et de gage sans dépossession.
3. Modification des règles en matière de postulation.
Les règles de postulation en vigueur s’appliqueront en l’état devant les TJ. Les avocats pourront postuler devant l’ensemble des TJ du ressort de la cour d’appel de leur résidence professionnelle, sans pouvoir postuler devant un autre TJ que celui auprès duquel est établie cette résidence professionnelle dans certaines matières limitativement énumérées (saisie immobilière, partage et licitation, affaires où ils ne sont pas avocats plaidants, etc.).
S’agissant de la représentation obligatoire par avocat devant les tribunaux de commerce, les règles de territorialité de la postulation en vigueur devant les TJ ne s’appliqueront pas. Devant le tribunal de commerce, il s’agira donc d’une représentation obligatoire sans limites territoriales.
IV. NOUVELLE PROCEDURE ACCELEREE DEVANT LE TRIBUNAL JUDICIAIRE (TJ)
1. La procédure « en la forme des référés » sera renommée « accélérée au fond » et remplacée, dans les cas où elle ne se justifie pas, par une procédure en référé ou sur requête.
2. Cas où la procédure est renommée procédure « accélérée au fond ».
C’est la terminologie de « procédure accélérée au fond » qui a été retenue pour mettre en évidence le fait que le juge statue au fond mais de manière rapide. La référence au « référé », source d’erreurs et de confusions, est donc supprimée.
A l’image de la procédure à jour fixe, le demandeur se verra indiquer une date d’audience à bref délai, sans avoir à justifier d’une urgence particulière. Le juge, saisi par assignation, connaîtra du fond de l’affaire et sa décision, un jugement et non plus une ordonnance, aura autorité de la chose jugée.
Exemples : évaluation des parts sociales à dire d’expert (art. 1843-4 code civil), changements de destination des locaux à usage d’habitation soumis à autorisation préalable dans certaines communes, etc.
3. Cas où la procédure est remplacée par une procédure en référé ou sur requête.
Dans les cas où le recours à la procédure particulière « en la forme des référés » ne se justifie plus, il est prévu de lui substituer une procédure de droit commun, en référé ou sur requête, lorsque la décision rendue peut être provisoire et que le cas requiert une certaine célérité.
Exemple : en cas d’occupation illégale par des gens du voyage d’un terrain privé affecté à une activité économique, et dès lors que cette occupation est de nature à entraver cette activité, le propriétaire ou le titulaire d’un droit réel d’usage sur le terrain pourra saisir le président du TGI qui statuera en référé (et non plus en la forme des référés).
V. MISE EN ETAT DEVANT LE TRIBUNAL JUDICIAIRE (TJ)
1. Nouveau régime des exceptions d’incompétence au sein d’un même TJ (art. 82-1 CPC).
Le nouvel article 82-1 CPC, dont la rédaction est générique, vise la compétence d’attribution du tribunal judiciaire lui-même, d’une chambre de proximité, d’un JCD, du JAF, du JEX, du JME, du juge des référés ou des requêtes au sein d’un même TJ.
Ces questions de compétence « interne » pourront être réglées de manière administrative, avant la première audience par mention au dossier, à la demande d’une partie ou d’office par le juge. Le dossier de l’affaire sera alors « aussitôt » transmis par le greffe au juge désigné.
La compétence du juge nouvellement saisi pourra être remise en cause à sa propre initiative ou à l’initiative d’une partie dans un délai de trois mois. Dans ce cas, le juge, d’office ou à la demande d’une partie, renverra l’affaire par simple mention au dossier au président du TJ. Le président du TJ tranchera le différend, sa décision étant insusceptible de recours.
Toutefois, les parties pourront contester la compétence du juge désigné par le président par un appel formé dans les conditions prévues aux articles 83 à 91 CPC.
2. Extension des pouvoirs du JME :
- le JME pourra désormais statuer sur toutes les fins de non-recevoir, en renvoyant, sauf accord des parties, à la formation du jugement de la mise en état les fins de non-recevoir qui nécessiteraient qu’une question de fond soit tranchée, le cas échéant sans clore l’instruction.
- les parties ne seront plus recevables à soulever les fins de non-recevoir ultérieurement, à moins qu’elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du JME. Ce faisant, le décret aligne le régime des fins de non-recevoir sur celui des exceptions de procédure.
3. La procédure sans audience (art. L.212-5-1 COJ et 828 et s. CPC).
Devant le TJ, la procédure pourra, à l’initiative des parties lorsqu’elles en seront expressément d’accord, se dérouler sans audience. En ce cas, elle sera exclusivement écrite. Toutefois, le tribunal pourra décider de tenir une audience s’il estime qu’il n’est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l’une des parties en fait la demande.
- En procédure écrite, le demandeur pourra formaliser son accord dans l’assignation ou dans la requête. Le défendeur pourra formaliser son accord dans l’acte de constitution. Ils pourront également formaliser leur accord dans des conclusions ultérieures.
- En procédure orale, l’accord des parties pourra intervenir à tout moment, par déclaration conjointe au greffe comportant à peine de nullité les mentions de l’article 829 CPC.
Le JME, après clôture de l’instruction, ou le président du tribunal fixera une date pour le dépôt des dossiers au greffe. A l’expiration du délai prévu, il avisera les parties du nom des juges de la chambre amenés à délibérer et de la date à laquelle la décision sera rendue.
Le choix de la procédure sans audience semble irréversible. C’est pourquoi le demandeur devra éviter de s’engager tout de suite dans cette voie et attendre de voir comment se déroule la procédure avant de renoncer, avec l’accord de la partie adverse, à plaider le dossier.
4. La procédure participative de mise en état.
Devant le TJ, les parties auront désormais la possibilité de conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état dès la première audience, au stade de l’orientation de l’affaire.
La signature d’une telle convention vaudra renonciation de chaque partie à se prévaloir d’une fin de non-recevoir, de toute exception de procédure et des dispositions de l’article 47 CPC, à l’exception de celles qui surviennent ou sont révélées postérieurement à la signature de la convention de procédure participative.
Le cas échéant, le juge pourra, à la demande des parties, fixer la date de l’audience de clôture de l’instruction et la date de l’audience de plaidoiries. Il renverra l’examen de l’affaire à la première audience précitée.
VI. EXECUTION PROVISOIRE DES DECISIONS DE PREMIERE INSTANCE
1. Les décisions de première instance seront désormais exécutoires à titre provisoire de droit, à moins que la loi ou la décision rendue n’en disposent autrement (art. 514 CPC).
On se contente d’inverser les règles actuellement en vigueur. L’exécution provisoire sera donc de droit, sauf si :
- la loi en dispose autrement ;
- le juge décide de l’écarter, en tout ou partie, en raison de (i) son incompatibilité avec la nature de l’affaire ou (ii) du risque de conséquences manifestement excessives, d’office ou à la demande des parties, par décision spécialement motivée (art. 514-1 CPC) ;
- le premier président de la cour d’appel décide de l’écarter, lorsqu’il (i) existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et (ii) que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives (art. 514-3 CPC).
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire ne sera recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risquera d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se seront révélées postérieurement à la décision de première instance. Il faudra donc demander dès la première instance que l’exécution provisoire soit écartée.
A noter : les décisions rendues par le TC bénéficieront également de l’exécution provisoire de droit, sauf en matière de préservation du secret des affaires pour laquelle l’exécution provisoire restera facultative compte tenu de la sensibilité du sujet.
2. L’appel et l’opposition ne seront plus des recours suspensifs, sauf si la loi en dispose autrement (art. 536-1 CPC).
C’est une conséquence logique de l’inversion du principe et de l’exception en matière d’exécution provisoire.
VII. ENTREE EN VIGUEUR
1. Les présentes dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2020. Elles seront applicables aux instances en cours à cette date.
2. Par dérogation, seront applicables aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020 les dispositions suivantes :
- extension de la représentation obligatoire par avocat ;
- exécution provisoire de droit des décisions de première instance ;
- compétence du JME pour statuer sur les fins de non-recevoir ;
- les nouveaux modes d’introduction de l’instance devant le TJ (art. 750 à 759 CPC), y compris l’assignation avec « prise de date », sauf pour les procédures ci-dessous ;
- procédure accélérée au fond.
3. Par dérogation, la saisine de la juridiction par assignation « sans date » demeurera applicable aux procédures suivantes jusqu’au 1er septembre 2020 :
- procédures soumises, au 31 décembre 2019, à la procédure écrite ordinaire devant le TGI. La saisine par assignation et la distribution de l’affaire demeurent régies par les articles 56, 752, 757 et 758 CPC, dans leur rédaction antérieure.
- procédures au fond prévues aux articles R.202-1 et suivants du livre des procédures fiscales ;
- procédures prévues au livre VI du code de commerce devant le TJ ;
- procédures devant le tribunal paritaire des baux ruraux (TPBR).