Décryptage des trois propositions de loi visant à encadrer les activités des influenceurs
Nombreuses sont aujourd’hui les entreprises qui recourent à des influenceurs ou créateurs de contenus, c’est-à-dire à des personnes ayant une forte notoriété sur les réseaux sociaux et qui sont suivis par des millions de personnes, afin que ces derniers fassent la promotion de leurs produits et de leurs marques auprès de leur communauté.
La recrudescence de cette activité a évidemment conduit à une importante montée en puissance des pratiques commerciales trompeuses et illicites sur internet, ce qui a entraîné plusieurs députés à vouloir encadrer l’activité des influenceurs sur les réseaux sociaux car aujourd’hui seule la « soft law » et plus précisément la Charte d’éthique du marketing d’influence de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) pose des règles spécifiques concernant l’influence.
La première proposition de loi visant à encadrer les pratiques commerciales et publicitaires liées au marché de l’influence sur internet, a été déposée à l’Assemblée nationale le 15 novembre 2022 par le député Aurélien Taché et vise à créer un cadre légal général dans lequel pourra s’inscrire l’activité des influenceurs.
La seconde proposition de loi visant à renforcer la prévention contre les pratiques commerciales illicites liées au marché de l’influence sur internet et à renforcer la lutte contre ces pratiques, datée du 15 décembre 2022, vient quant à elle renforcer la prévention des fraudes en ligne et les moyens des autorités de répression des fraudes.
Une dernière proposition de loi visant à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, déposée à l’Assemblée nationale le 27 décembre 2022 par le député Arthur Delaporte, a pour objectif d’interdire certains placements de produits sur les réseaux sociaux compte tenu des intérêts de santé et d’ordre public.
Tout d’abord, deux des trois propositions de loi viennent définir juridiquement « l’influenceur ». La proposition de loi du 15 novembre 2022 définit l’influenceur comme une personne physique ou morale qui est présente sur une plateforme en ligne à titre professionnel ou non, en vue de partager des contenus exprimant son point de vue ou donnant des conseils susceptibles d’influencer les habitudes de consommation, même si cette activité n’est exercée qu’à titre occasionnel.
La proposition de loi du 27 décembre 2022 propose une définition similaire en retenant qu’est un influenceur « toute personne physique ou morale qui fait la promotion directement ou indirectement de produits, actes ou prestations contre rémunération, y compris lorsque celle-ci est constituée par des avantages en nature, de manière active sur les réseaux sociaux et qui, par son statut, sa position ou son exposition médiatique dispose d’une audience pouvant influencer la consommation du public. ».
Ainsi, les deux définitions renvoient à la même idée : un influenceur est une personne présente sur les réseaux sociaux qui dispose d’une communauté qu’il est susceptible d’influencer sur ses choix de consommation.
L’agent d’influenceurs est également défini par la proposition de loi du 15 novembre 2022 comme une personne qui reçoit mandat à titre onéreux d’un ou de plusieurs influenceurs aux fins de placement et de représentation de leurs intérêts professionnels.
Si cette proposition de loi est adoptée en l’état, tout agent d’influence devra établir un contrat par écrit avec chacun des influenceurs qu’il représente, dit « contrat de représentation d’influenceur » qui devra contenir certaines mentions obligatoires telles que la définition précise de l’objet du contrat, les missions confiées et les modalités pour rendre compte de leur exécution périodique, les conditions de rémunération, le terme du mandat et les modalités par lesquelles il prend fin. En cas de manquement aux obligations exposées ci-dessus, des sanctions allant jusqu’à 6 mois d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende sont prévues à l’encontre de l’agent d’influenceurs.
De même, selon la proposition de loi du 15 novembre 2022, un contrat devra être établi par écrit entre l’influenceur et l’utilisateur de ses services, c’est-à-dire la marque le sollicitant afin qu’il fasse la publicité des produits sur ses réseaux sociaux accessibles à partir du territoire français ou reçus sur le territoire français. L’influenceur n’ayant pas conclu de contrat avec l’utilisateur de ses services s’expose à des sanctions allant jusqu’à 6 mois d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
Le contrat avec l’utilisateur des services de l’influenceur doit également comporter plusieurs mentions obligatoires telles que les informations relatives aux parties et les modalités de conception et réalisation des contenus, entre autres. Par ailleurs, l’influenceur ne pourra réaliser du contenu publicitaire que si ledit contenu est licite au regard du droit français et respecte les dispositions applicables en matière de publicité et de pratiques commerciales. En outre, si l’entreprise n’est pas établie en France, elle devra, afin de pouvoir contractualiser avec un influenceur créant du contenu accessible en France, désigner par écrit un représentant établi en France.
A cela s’ajoute une obligation pour les influenceurs de mentionner de manière claire et non équivoque si leurs publications sont liées à un partenariat, auquel cas leurs contenus ont une finalité publicitaire dont l’internaute doit être correctement informé.
Ces obligations sont complétées par la proposition de loi du 27 décembre 2022 qui a pour objectif d’interdire aux influenceurs de faire la promotion de produits pharmaceutiques et dispositifs médicaux ainsi que des investissements financiers et placements à risque. Ainsi, il sera interdit pour les influenceurs de faire la promotion d’abonnements à des pronostics sportifs, à des formations professionnelles et à des jeux d’argent ou d’hasard, sauf si un bandeau visible mentionne que le contenu est destiné à des personnes majeures.
Enfin, les influenceurs devront clairement indiquer si les produits dont ils font la publicité sont directement ou non issus de la livraison directe. Lorsque l’influenceur est un intermédiaire du fournisseur effectif du produit, il devra prendre le soin de vérifier l’existence du produit ou du service et le respect par le vendeur initial des conditions générales de vente.
Une table ronde sur cet important sujet qu’est l’influence a eu lieu le 9 décembre 2022 au ministère de l’économie. Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a annoncé début janvier 2023 une consultation sur le métier d’influenceurs. Cette consultation a débuté le 9 janvier 2023 sur le site make.org afin que les citoyens puissent donner leur avis sur l’encadrement des pratiques des influenceurs, ce qui laisse penser qu’une législation encadrant le métier de l’influence va réellement finir par voir le jour.
A suivre.