Les principales règles issues de la réforme de mai 2016 instituant le complément de rémunération
En réponse aux lignes directrices de la Commission européenne relatives aux aides d’Etat publiques applicables au secteur [1], la loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et les décrets des 27 mai et 28 mai 2016[2] organisent un nouveau système de rémunération applicable à certaines filières d’énergie renouvelable (I) qui va notamment modifier les pratiques habituelles à raison de la nécessité pour certains producteurs de recourir au marché de gros de l’électricité (II) tout en instituant un régime commun pour le contrat d’achat et le contrat de complément de rémunération (III).
I. Le nouveau de système rémunération
1.1 Un champ d’application sujet à interprétation
L’électricité produite par les exploitants fait désormais, sous certaines conditions, l’objet de deux systèmes de soutien : celui (jusqu’à ce jour applicable) d’un contrat d’achat en application d’un tarif fixe ou celui du versement d’un complément de rémunération. Dans les deux cas, un contrat sera conclu avec EDF ou une entreprise locale de distribution, soit à la demande du producteur (procédure dite du guichet unique), soit à l’issue d’un appel d’offres.
Ce nouveau système – dit de complément de rémunération – est mentionné à l’article L.314-18 du code de l’énergie. Il se définit comme une prime « ex-post » attribuée mensuellement aux producteurs.
La liste des installations relevant respectivement du dispositif de l’obligation d’achat ou du dispositif du complément de rémunération en guichet ouvert résulte de l’article D 314-15 du code de l’énergie (issu du décret n°2016-691 du 28 mai 2016).
Les installations éligibles au complément de rémunération :
Les installations éligibles à l’obligation d’achat :
La circonstance que les éoliennes terrestres soient à la fois classées dans la liste des installations bénéficiant de l’obligation d’achat (à l’exception de la Corse) et dans celle des installations éligibles au complément de rémunération (Corse comprise) a fait débat.
Tandis que certains voient là une alternative offerte aux exploitants de choisir entre les deux systèmes, le Syndicat des Energies Renouvelables a estimé que les nouvelles règles instituées par les décrets de mai dernier donnent l’impression que les demandes d’obligation d’achat ne pourraient plus être faites après le 30 mai 2016.
Interrogée sur ce point, la DGEC a considéré que les éoliennes terrestres pourront continuer à bénéficier de l’obligation d’achat, même postérieurement à l’entrée en vigueur du décret du 28 mai 2016.
Les installations éoliennes terrestres devraient donc pouvoir continuer à bénéficier de l’obligation d’achat en guichet ouvert.
1.2 Une formule du complément de rémunération complexe
Le fonctionnement du complément de rémunération est aujourd’hui régi par les articles R.314-33 et suivants du code de l’énergie (issus du décret n°2016-682 du 27 mai 2016).
En guichet ouvert, le montant du complément de rémunération correspondra à la différence entre un tarif de référence (assimilable au tarif d’achat actuel) et un prix moyen de valorisation de l’électricité produite par la filière considérée :
- déduction faite des revenus obtenus sur le marché de capacité[3] et
- à laquelle sera ajoutée une prime de gestion destinée à compenser les coûts de la mise sur le marché de l’électricité (coût des transactions, coût d’équilibrage du réseau).
Le complément de rémunération sera versé mensuellement sur la base de la prime à l’énergie mensuelle et de la prime de gestion, le cas échéant, dans la limite du plafond mentionné à l’article R.314-35 du code de l’énergie.
A noter que les paramètres du complément de rémunération ne sont pas encore tous définis à ce jour et seront revus périodiquement afin notamment de tenir compte de l’évolution des coûts de production des filières en bénéficiant.
1.3 Des obligations et modalités de versement du complément de rémunération contraignantes
Les obligations respectives des parties dans le cadre du contrat de complément de rémunération impliquent pour le producteur une gestion rigoureuse de ses installations ainsi que des mesures d’autocontrôle.
Ainsi, le producteur devra faire réaliser par un organisme agrée, sur demande du préfet, des contrôles visant à vérifier que les installations ont été construites ou fonctionnent dans les conditions requises par la réglementation ou par le contrat de complément de rémunération. Ces contrôles sont effectués aux frais du producteur[5].
Par ailleurs, pour les installations de puissance installée supérieure à 100 kW, le producteur devra transmettre chaque année à la Commission de Régulation de l’Energie (« CRE ») et tenir à la disposition du ministre de l’énergie le détail des coûts et recettes relatifs à son installation. En outre, il devra transmettre à la CRE, dans un délai d’un mois sur simple demande, les documents contractuels et comptables justifiant ces données.
Une obligation quasi similaire est prévue pour les installations de puissance installée inférieure ou égale à 100 kW dans la mesure où le producteur devra transmettre à la CRE, à sa demande et dans un délai d’un mois, les éléments susvisés (détail des coûts et des recettes ainsi que les documents comptables et contractuels).
II. Le marché de gros
2.1 L’agrégateur
La vente de l’électricité sur le marché de gros impliquant des opérations quotidiennes de trading afin d’obtenir le meilleur prix, les producteurs pourront recourir à des agrégateurs dont la fonction sera d’agréger plusieurs centrales dans leur portefeuille et de vendre pour le compte de tiers des volumes de production sur le marché[6].
Les agrégateurs seront également amenés à jouer un rôle sur le marché de capacité en vendant pour le compte des producteurs les certificats de capacité des centrales.
Ce faisant, le choix de l’opérateur se révèlera important en raison :
- du risque pour le producteur de gagner moins qu’avec l’obligation d’achat si les garanties offertes par l’agrégateur devaient se révéler insuffisantes et
- des retours d’expérience montrant que les contrats des agrégateurs diffèrent sensiblement d’un opérateur à l’autre, tant sur la durée que sur les garanties offertes.
2.2 L’acheteur de dernier recours
Il s’agit là d’un mécanisme de type assurantiel institué afin de réduire le risque financier pour les producteurs et de faciliter le financement des projets.
La fonction de l’acheteur de dernier recours sera ainsi d’acheter l’électricité produite par les installations bénéficiant du contrat de complément de rémunération pour les producteurs qui en font la demande en cas :
- d’impossibilité pour le producteur de contractualiser avec un agrégateur tiers ou de vendre lui-même sur le marché ou
- de défaillance de l’agrégateur matérialisée par le retrait ou la suspension du contrat
Ces acheteurs de dernier recours devront être désignés par appel d’offres[7].
III. Un régime commun aux deux contrats
Les producteurs souhaitant bénéficier du complément de rémunération ou d’un contrat ouvrant droit à l’obligation d’achat devront adresser une demande de contrat dans des conditions restant encore à définir par arrêtés ministériels et EDF disposera d’un délai de trois mois pour le leur transmettre[8].
La prise d’effet du contrat sera conditionnée à la transmission d’une attestation de conformité des installations aux prescriptions des futurs arrêtés filières. Jusqu’à la transmission de cette attestation, la demande de contrat pourra être modifiée dans le cas d’un changement de l’identité du producteur ou de la puissance déclarée dans la limite d’un seuil de 30 %[9].
Le contrat prendra effet, quant à lui, après fourniture de cette attestation, le premier jour du mois souhaité par le producteur, sauf disposition spécifique prévue par les arrêtés ministériels à venir[10].
Par ailleurs, afin de simplifier les démarches des producteurs, l’obligation d’obtenir un CODOA a été supprimée.
Bien que les décrets de mai 2016 soient entrés en vigueur au lendemain de leur publication, leurs dispositions ne pourront effectivement s’appliquer qu’après l’adoption des arrêtés d’application propres à chaque filière et des modèles des contrats d’achat ou de complément de rémunération.
Il s’agit donc d’une réforme en cours d’achèvement dont les dernières règles, encore à venir, devront être examinées attentivement.
Pour plus d’informations sur ces différentes actualités, contactez le Pôle Projets – Energie du cabinet Franklin :
Jean-Pierre Delvigne, Of Counsel
Jeanne Lesigne
[1] Communication de la Commission européenne – Lignes directrices concernant les aides d’Etat à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020 (2014/C200/01).
[2] Le décret n°2016-682 du 27 mai 2016 relatif à l’obligation d’achat et au complément de rémunération, le décret n°2016-691 du 28 mai 2016 définissant les listes et caractéristiques des installations éligibles à l’un ou l’autre des mécanismes d’aide et le décret n°2016-690 du 28 mai 2016 établissant les modalités de cession des contrats d’obligation d’achat.
[3] L’article L.335-1 et les articles R.335-1 et suivants du code de l’énergie instaurent l’obligation pour les fournisseurs d’électricité ainsi que pour les consommateurs finals et les Gestionnaires de Réseau d’électricité ne s’approvisionnant pas auprès d’un fournisseur, de contribuer à la sécurité d’approvisionnement en électricité.
[4] Schéma issu du site « photovoltaique.info »
[5] Article R.314-14 du code de l’énergie
[6] Article R.314-1 2° du code de l’énergie
[7] Article R.314-51 I du code de l’énergie
[8] Article R.314-6 du code de l’énergie
[9] Article R.314-5 du code de l’énergie
[10] Article R.314-7 du code de l’énergie